mariage indien : épisode 2, la cérémonie

Publié le

 

Je vous ai déjà présenté le faire-part de mariage et les préparatifs, et nous y voila, le jour J était donc le 30 avril, date et heure scrupuleusement étudiées par les astrologues.

 

J’en ai déjà parlé aussi donc inutile de détailler à nouveau le fait que les rencontres des futurs époux et les modalités du mariage restent encore le plus souvent décidés et arrangés par les familles. Il est de « bon ton » d’unir des personnes d’une même caste…

 

Pour ce qui concerne ce mariage, nous n’avons pas osé par discrétion poser trop de questions la dessus, mais Jean connaissant suffisamment bien le marié, nous savons qu’il est d’une famille brahmine, qu’il est strict végétarien, et donc cela promet une cérémonie très religieuse, dans les règles de l’art (celle-ci peut différer cependant selon les régions de l’Inde dont sont issues les mariés)

 

Nous arrivons sur les lieux, comme  toujours, il s’agit d’un « wedding hall », il y en a à tous les coins de rue ici et de toutes les tailles, c’est une sorte de salle polyvalente souvent dépourvue de charme . Une estrade a été aménagée par les prêtres afin de devenir l’espace sacré, on ne s’y approche que pieds nus, comme dans un temple. Les prêtres (car il en a plusieurs) s’affairent autour du futur époux assis par terre.

Je précise au passage que pour toutes les cérémonies familiales (mariage, équivalent des baptêmes, crémaillères etc.), le rôle des prêtres est majeur car ils sont les seuls à connaître les gestes, leurs symboles et les incantations nécessaires. On ne les croise pas forcément dans les temples, car ce sont des prêtres « spécialisés » qui ont étudié ces célébrations pendant plusieurs années avant d'officier.

 

Notre arrivée ne passe pas inaperçue… je ne sais pas si c’est mon appareil photo ou notre air un peu intimidé, toujours est-il que nous sommes conviés à nous approcher aux premières loges sur l’estrade. La famille nous saluent, ils semblent heureux, voire fiers, on comprend que notre présence est un peu comme une marque de bon augure pour cet évènement.  Les femmes m’entourent, complimentent mon sari, se font prendre en photo avec moi, veulent me toucher amicalement le menton, pour ensuite s’embrasser le bout des doigts, je deviens une sorte de porte bonheur ambulant… et moi pendant ce temps, je me concentre pour ne pas me prendre les pieds dans mon sari (devenu un peu long avec les pieds nus !) car avec ce truc là j’ai l’impression que si je tire d’un coté je vais me retrouver nue comme un verre…

 

 

Tout d’un coup tout le monde s’agite…

8h49 précise : début des vraies festivités

arrivée de la futur mariée, recouverte d’un châle soyeux, guidée par la mère, on la place devant un drap blanc derrière lequel se « cache » son promis.

 

 

Je vous les présente d’un peu plus près :

Mahesh, souriant, avec même dans cette tenue un petit air de Maharadja…

 

 

Vidya, qui restera pendant presque toute la cérémonie les yeux baissés, avec cet air très concentré. Elle ne présente pas l’air épanoui qu’ont la plupart de nos mariées françaises n’est ce pas ? et il parait que c’est la mine habituelle des mariées indiennes… elle ira même jusqu’à verser quelques larmes et à ce moment là, je me suis vraiment demandée si c’était de la tristesse ou du bonheur. Je n’oserai me prononcer, mais curieusement encore une fois je ne me suis jamais posée ces questions dans les mariages occidentaux…ok, on a des records de divorces, mais sur le moment, je pense que les gens y croient et sont heureux !?

 

 

Les musiciens accélèrent le rythme, on baisse le drap et les futurs époux se « découvrent »…

 

Les mariés se joignent les mains et portent des noix de coco, au dessus le père du marié tient des pièces de monnaie, et la mère du marié y verse de l’eau bénite (symbolisant l’eau du Gange), ce rituel démontre que deux êtres souhaitent s’unir.

 

 

Au son des incantations du prêtre, on noue ensemble un pan de leurs deux vêtements

 Les mariés, et les parents s’assoient par terre en tailleur. (imaginez vous tenir trois heures de cérémonie dans cette position…)

 On entoure les mariés d’une ficelle tenue par les parents et les oncles très proches : symbole de l’importance du lien familial

 

 

Arrive ensuite un brahmane dont on saisit tout de suite l’importance, tous viennent se prosterner à ses pieds. Celui-ci a le droit à une chaise, et il va aussi bien sur bénir les mariés.

 

 

La série de rituels reprend son cours :

Les promis s’attachent mutuellement aux poignets des bracelets en cordelette. Notez que les mains de la mariée sont toujours joliment peintes au henné (le mendhi).

 

 

Le marié appose la poudre rouge, le tilak sur le front de son épouse en guise de respect et de bénédiction.

 

Ils échangent mutuellement des guirlandes de fleur autour de leur cou

 Les prêtres versent ensuite du riz sur les mains des tourtereaux. On symbolise ici la fidélité.  

 Le marié noue autour du cou de la mariée le collier nuptial, le Thali, équivalent à notre échange d’alliance

 

 

Les femmes mettent les anneaux aux pieds de la mariée (seules les épouses ont le droit à cette décoration très prisée des indiennes et révélatrice de leur statut, par exemple une veuve devra tout de suite les enlever à jamais…)

 

Puis commencent les rituels autour du feu sacré

 Les prières continuent, le prêtre et les époux tour à tour  jettent dans le feu, du riz, de l’eau bénite, des feuilles de mangue…

 les futurs mariés se lèvent et doivent tourner 7 fois autour du feu en invoquant les Dieux et demandant leur protection et bénédiction, pendant que le prêtre chante les mantras (prières).

 

 

Chaque tour a une signification dont j’ai cherché le sens (j’essaye de vous traduire, désolée si cela ne sonne pas suffisamment religieux).

 
1/ avec Dieu notre guide, nous vivrons dans l’honneur et le respect, marchons pour trouver la nourriture

2/ marchons pour grandir ensemble et avoir la force physique, mentale et spirituelle de vivre une vie heureuse

3/ partageons nos joies et nos peines dans l’espoir d’une vie prospère

4/ ayons confiance en l’amour partagé et n’oublions pas nos parents et nos anciens

5/ soyons charitables et prions pour tous les êtres vivants de l’univers et espérons

 faire grandir la famille

6/ prions pour avoir une longue vie, paisible et joyeuse

7/ croyons en l’amitié, la compréhension, la loyauté, l’amour même au prix de

 certains sacrifices

a l’issue de ces 7 tours, le futur époux annonce a sa promise « ces 7 marches nous ont rendues amis, méritons cette amitié, il ne faut point la rompre ».

Le prêtre « montre » le chemin, et guidé par la main du marié, l’épouse gravit les 7 marches, symbolisées par un dessin fait au sol par le prêtre avec du riz de deux couleurs.

 


ensuite, après ces « 7 pas »  nommés « saptapadi »  le prêtre les déclare unis par les liens du mariage.

 Régulièrement, des cadeaux, présentés sur des plateaux d’argent par les femmes (elles ne doivent pas être veuves sinon ce serait impur…) sont offerts, après avoir été bénis par les prêtres : le plus souvent des saris, des bijoux en or, des enveloppes avec de l’argent, le tout décoré  bien sur de noix de coco et de fleurs.

 

 

Les convives jettent des poignées de riz safrané sur les époux.

 

 

Tout du long de la cérémonie, le prêtre n’aura cessé de prier les dieux,  et à leur présenter aussi des offrandes (riz, feuilles de mangue, lait, miel, safran, sucreries, fleurs, noix de coco…) pour attirer tous les bienfaits sur ce mariage (fécondité, longévité, douceur de vivre). Il indique aussi aux époux leurs responsabilités et devoirs.

 

Mis à part les proches (et nous…) qui suivons chaque étape de la cérémonie, il semble que dans le reste de la salle des gens vont et viennent, discutent, lisent le journal, patientent sur des chaises, et surtout vont manger !

 En effet, il y a dans une autre salle le service du petit déjeuner :

régulièrement la famille nous y conviait mais je ne voulais pas rater la succession des rituels, nous avons donc attendu la fin de la cérémonie principale. Enfin après 3 heures non stop, nous y voilà alors on se laisse guider vers le « restaurant »….

En une seconde j’ai compris que ce serait une « Séance d’intégration totale » (Nani : tu aurais été fière de Jean…)

 salle sommaire et sombre, tables et bancs en fer, aucune déco contrairement à chez nous où  le repas de mariage est quasi la chose la plus importante.

Cuisiniers et « serveurs » déambulent torse nu en longi (le pagne local), mais malgré leur air « pas super classe pour des serveurs », ils sont en fait tous brahmanes et probablement attachés au service d’un temple ; ils ont le signe distinctif : ils portent une cordelette en travers du torse, et ont dessiné des traits de poudre sur la peau

 


Le repas s’annonce tout à fait traditionnel :

On nous apporte une feuille de bananier (propre ?), sur laquelle à grands coups de louche sortant d’un saut en fer ils nous déposent riz (un aux légumes, l’autre sucré, le Pongal ) et sauce,

 

 

on nous sert des Puri (galettes gonflées juste sorties de l’huile bouillante), un verre d’eau (qui ne sort pas d’une bouteille d’eau minérale.. ), et du chai tea (thé au lait, très sucré à la cardamome)

 

et là ils sont tous attroupés autour de nous à nous regarder faire (et qu’est ce qu’on se sent maladroit quand il faut manger à la main et uniquement de la main droite). Et pas question de faire les chochottes, faut tout manger qu’on aime ou pas, on serait trop gêné… en plus toutes les deux minutes ils veulent re-remplir notre « assiette »… En rigolant, je dis à Jean « t’inquiètes, c’est forcément de la nourriture bénie par les dieux, on ne sera pas malade ! » (et on ne l’a pas été !)

 pendant ce temps là, derrière nous, cela s’active « en cuisine », ça vous donne une idée :

 

 

avant de sortir, on ne peut échapper au « buffet des desserts » J  :

dans cette grande gamelle, une sorte de riz très sucré avec des raisins et noix de cajou, dont il fait une boule compacte qu’il n’a bien sur pas omis de nous remettre… avec cela on tient jusqu’au soir : un vrai « étouffe-hindou » J

 

On revient dans la salle principale : les époux se sont assis, cette fois sur des chaises, ils font les séances photos familiales traditionnelles, reçoivent encore des cadeaux, et les félicitations des convives.

C’est là que nous avons pris congés, Jean devait retourner bosser.  Evidemment ils ont insisté pour nous garder jusqu’au soir pour une autre  « réception » équivalent à notre vin d’honneur (mais sans alcool bien sur !) partie en général pour les participants un peu moins proches mais qui souhaitent donner des cadeaux et féliciter les époux. Nous savons que nous avons vu le plus important.

C’était vraiment une unique expérience et nous étions très heureux de partager avec eux ce moment d’intimité,  d’avoir été convié et accueilli avec tant de gentillesse. J’ai eu plaisir à voir aussi « enfin » la mariée souriante au moment où nous leur disions au revoir. Jean lui a dit de bien s’occuper de son Mahesh, et nous avons tous beaucoup ri quand du coup j’ai renchéri en précisant à Mahesh que lui aussi devait prendre bien soin de Vidya !

Nous leur souhaitons tout le bonheur possible !

  

Publié dans culture et tradition

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article